Franz Graf et Giulia Marino

Intervenir sans dénaturer : les grands ensembles 1945-1975 en Suisse

Séance 2 : Norme et projet.

Le secteur du bâtiment représente, avec les transports, celui à plus fort potentiel d’économie d’énergie. C’est le parc bâti existant qui est particulièrement visé : de l’échelle fédérale à celle des législations de cantons, les normes ont été durcies par une révision à la baisse des valeurs limites exigées.

Les répercussions sur le patrimoine du XXe siècle, dont la reconnaissance patrimoniale est récente, sont substantielles. Le corpus des grands ensembles de logement de la période 1945-1975 – le patrimoine de la grande échelle – est important. Démolitions partielles, rénovations lourdes conduites à grands frais, transformations et « emballages » sont à l’ordre du jour.

Au-delà des considérations d’ordre culturel – voire simplement architectural par le risque d’une « banalisation » généralisée du cadre de vie – cette pratique mérite d’être reconsidérée, dans une phase de récession économique annoncée. Le récent plaidoyer de la Société des ingénieurs et des architectes suisses (SIA) pour une analyse préalable du bâti existant donne la direction. Il intervient après l’intelligent chantier pilote pour la rénovation de l’ensemble Tscharnegut à Berne (Hans et Gret Reinhard, 1958-1961) ou le travail des architectes Miller et Maranta qui a précédé la rénovation énergétique de la Siedlung im Lee d’Hermann Baur à Bâle (1963). La recherche académique appliquée sur la cité du Lignon a été récemment élargie à d’autres grands ensembles suisses. En matière de méthode, les études mettent en question une approche strictement prescriptive, voire obstinément « performantielle », mal adaptée à un bâti très hétérogène. Confortant la notion de bâti existant comme « ressource », les résultats encouragent une démarche de projet étudiée ad hoc qui, à partir d’une analyse minutieuse de sa matérialité, permet une amélioration de la performance énergétique dans le respect des qualités du bâtiment, pour un investissement dans la logique du « raisonnable ».

Au-delà des résultats qui encouragent les « stratégies responsables », les expériences récentes sont l’occasion d’une réflexion disciplinaire élargie sur les enjeux d’une recherche académique appliquée alliant savoir théorique et savoir-faire technique.

 

 

Franz Graf

Franz GrafDiplômé en architecture de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Franz Graf est professeur associé à l’EPFL, où il dirige le laboratoire des Techniques et de la Sauvegarde de l’Architecture Moderne, et professeur ordinaire de technologie à l’Accademia di architettura di Mendrisio.

Ses recherches développent la connaissance des systèmes constructifs modernes et contemporains et leur sauvegarde. Franz Graf est Président de Docomomo Suisse ; dès 2012, il fait partie du “Comité des experts pour la restauration de l’œuvre” de la Fondation Le Corbusier.

Giulia Marino

Giulia MarinoGiulia Marino est architecte diplômée de l’Université de Florence et docteure ès sciences de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Elle est enseignante et chercheuse au sein du laboratoire des Techniques et de la Sauvegarde de l’Architecture Moderne de l’EPFL depuis 2007.

Ses intérêts scientifiques se situent dans l’histoire des techniques de construction et des équipements du confort du XXe siècle et les stratégies de sauvegarde et conservation du patrimoine moderne et contemporain.